Projet de Consolidation et d’Extension du Réseau des Aires Marines Protégées du Sénégal
I. Contexte et justification :
Aux termes de l''article 2 de la Convention sur la Diversité Biologique de 1992, la biodiversité est entendue comme "la variabilité des organismes vivants de toute origine y compris, entre autres, les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques et les complexes écologiques dont ils font partie; cela comprend la diversité au sein des espèces et entre espèces ainsi que celle des écosystèmes". Dans cette biodiversité, la composante marine constitue un élément fondamental de la vie dans les océans, mais également sur terre.
Or les menaces que l'homme fait peser sur cette diversité biologique marine sont de plus en plus importantes et touchent l'ensemble du milieu marin, y compris les zones allant au-delà des juridictions nationales. En outre, ces menaces ne cessent de s'intensifier: aux pratiques destructrices classiques que sont le chalutage de fonds, les rejets illicites, l'exploration des ressources minières, sont venues s'ajouter les nuisances dues aux bruits marins, à l'introduction d'espèces allogènes envahissantes ainsi que les conséquences encore mal évaluées des changements climatiques. Ainsi qu'une hausse de température de la mer à moyen et long terme pourrait avoir une incidence notable sur la migration des principaux stocks de poissons.
Parmi les principaux outils à même d'enrayer ou tout au moins de ralentir la perte de diversité biologique, les aires protégées occupent une place majeure. Initialement orientées vers la préservation des zones terrestres, elles tendent maintenant à se déployer en mer.
En effet, lors du Sommet de Johannesburg sur le Développement Durable, les Etats se sont engagés à préserver la productivité et la biodiversité des zones marines et côtières, y compris celles situées au-delà des juridictions nationales, par la création de zones protégées conformes au droit international et fondées sur les données scientifiques (rapport du Sommet mondial sur le développement durable, Johannesburg, 26 août-4 septembre 2002).
Dans la même veine, les Etats Parties à la Convention sur la Diversité Biologique ont adopté, en 2010 à Nagoya, au Japon, un Plan stratégique qui prévoit la mise en place, à l’horizon 2020, d'un réseau d'aires marines protégées couvrant au minium 10% des zones marines et côtières (COP10, Nagoya, Japon, 18-29 octobre 2010, UNEP/CDB/DEX/X/29).
Il faut rappeler que déjà en 2006, le rôle des aires marines protégées en tant qu'instrument de mise en œuvre d'une approche écosystémique intégrée était souligné (rapport ONU du 12 au 16 juin 2006 : les approches écosystémiques et les Océans, A61/156), recommandation d'ailleurs reprise dans le rapport de la Conférence des Nations Unies sur le développement durable, les progrès réalisés et les lacunes à combler dans la mise en œuvre des textes issus des grands sommets relatifs au développement durable.
Les zones marines protégées sont, à ce titre, présentées comme "outil de gestion important et reconnu, notamment pour atténuer et réguler certains effets sur les océans du développement côtier et hors côte, de la surpêche, des changements climatiques, des phénomènes naturels et d'autres facteurs de stress".
Il convient donc de préciser ce que recouvre la notion d'aire marine protégée: "espace géographique clairement défini, reconnu, consacré et géré, par tout moyen efficace, juridique ou autre, afin d'assurer à long terme la conservation de la nature ainsi que les services écosystémiques et les valeurs qui lui sont associées".
Cette définition, issue des lignes directrices de l'Union Mondiale pour la Nature (UICN) implique que la conservation de la nature soit bel et bien l'objectif premier de la zone protégée. Elle précise l'article 2 de la Convention sur la diversité biologique aux termes duquel une zone protégée correspond à "toute zone géographiquement délimitée qui est désignée, ou réglementée, et gérée en vue d'atteindre des objectifs spécifiques de conservation".
La vocation d'outils de conservation à long terme de l'aire marine protégée est confortée par la définition de la CDB (2004): « toute zone située à l’intérieur ou à proximité du milieu marin, avec ses eaux sus-jacentes, la faune et la flore associées et les éléments historiques et culturels qui s’y trouvent, qui a été mise en réserve par une loi ou d’autres dispositions utiles, y compris la coutume, dans le but d’accorder à la diversité biologique, marine ou côtière, un degré de protection plus élevé que celui dont bénéficie le milieu environnant ».
Au Sénégal, l’idée de créer des Aires Marines Protégées (AMP) pour conserver la biodiversité marine et côtière remonte à plusieurs décennies, comme en attestent les parcs nationaux du Delta du Saloum, des Iles de la Madeleine ou de la Langue de Barbarie, tous créés en 1976.
Se fondant sur les directives auxquelles il a souscrit, le Sénégal a poursuivi ses efforts de mise en place et d'organisation d'un réseau cohérent d'aires marines protégées. C’est ainsi qu’en 2004, cinq nouvelles Aires Marines Protégées furent créées par décret n°1408 du 18/11/2004. Il s’agit des AMP de Bamboung, Joal-Fadiouth, Saint-Louis, Cayar et Abéné. En 2012, est créée la Direction des Aires Marines Communautaires Protégées (décret 2012-543 du 24 mai 2012), sous la tutelle du Ministère de l’Environnement et du Développement Durable. Cette direction a essentiellement pour mission la mise en œuvre de la politique de l’Etat en matière de conservation de la biodiversité marine et côtière par la mise en place et la gestion d'un réseau cohérent d'aires marines protégées. La création de cette nouvelle direction marque la volonté de l’Etat, de se doter d’un réseau d’aires marines protégées constitué d’échantillons représentatifs des écosystèmes marins et côtiers. Elle a également suscité de la part des populations locales plusieurs initiatives pour la création d’AMP. C’est le cas des projets en cours pour la création de l’Aire Marine Protégée Communautaire de Gandoul (Communauté rurale de Djirnda) et des Aires Marines Protégées Intercommunautaires de Sangomar et de Laga, respectivement, entre les Communautés rurales de Dionewar et de Palmarin, et entre celles de Mbam et de Djilor. En plus de ces projets, plusieurs initiatives se sont développées le long du littoral pour la création d’AMP, marquant ainsi l’adhésion des populations à ces outils de conservation des écosystèmes marins et côtiers. C’est le cas au niveau :
- Dioyé Bato (Sédhiou)
- Lompoul (Département de Kébémer)
- Pointe Saint- Georges (en Casamance)
- Yoff (Dakar),
- etc
Toutefois, le regain d’intérêt des populations pour la création d’AMP, qui se manifeste par la multiplication des demandes d’appui ou d’accompagnement à l’endroit de la Direction des Aires Marines Communautaires Protégées (DAMCP), ne doit pas occulter les difficultés et les contraintes auxquelles fait face le réseau actuel d’AMP. Ces problèmes, s’ils ne sont pas surmontés, risquent de compromettre l’atteinte des objectifs assignés au réseau. Parmi ces difficultés on peut citer :
- la couverture non exhaustive des écosystèmes marins et côtiers par le réseau actuel d’Aires Marines Protégées.
- L’insuffisance de l’implication des acteurs à la base dans les processus de création et de gouvernance des AMP ;
- L’insuffisance de la surveillance des AMP (balisage, équipements, logistique, personnel, système de motivation des surveillants locaux, faiblesse des capacités…) ;
- le déficit de Communication, d’Information et de Sensibilisation sur les AMP ;
- l’insuffisance des capacités de gestion des AMP ;
- l’insuffisance de la mise en œuvre des plans d’aménagement et de gestion des AMP ;
- Le déficit de planification et d’organisation (absence de méthodes de planification standardisées, démultiplication des initiatives de création d’AMP dans le cadre de projets et programmes sans coordination et planification intersectorielle) ;
L’objet du présent projet est de prendre en charge, entre autres, les difficultés évoquées ci-dessus.
II. Objectif général :
L’objectif général du projet est de mettre en place et d'organiser la gestion d’un réseau d’Aires Marines Protégées (AMP) cohérent et fonctionnel constitué d’échantillons représentatifs des principaux écosystèmes marins et côtiers du pays.
III. Objectifs spécifiques :
De manière plus spécifique le projet vise à :
• Poursuivre le processus d’extension du Réseau d’Aires Marines Protégées ;
• Appuyer la mise en œuvre des Plans d’Aménagement et de Gestion des AMP ;
• Renforcer les capacités institutionnelles et opérationnelles de la DAMCP pour une meilleure gestion des AMP, conformément aux engagements internationaux du Sénégal en la matière.
IV. Résultats attendus :
• De nouvelles Aires Marines Protégées sont créées partout où le besoin et/ou l'opportunité se présente ;
• L’efficacité de la gestion des AMP est améliorée ;
• les capacités institutionnelles de la DAMCP sont renforcées ;
• les capacités opérationnelles de la DAMCP sont renforcées.
V. Articulation avec les Conventions et / ou les initiatives internationales ou sous régionales et les documents de planification nationale :
De prime abord, le projet de consolidation et d’extension du réseau d’Aires Marines Protégées répond à la volonté du Gouvernement de protéger les écosystèmes marins et côtiers et d’inverser la tendance de dégradation des pêcheries. Il trouve son origine dans la stratégie nationale sur les Aires Marines protégées.
Sur le plan international, le projet de consolidation et d’extension du réseau d’AMP s’inscrit dans le cadre du respect des engagements du Sénégal en matière de conservation de la biodiversité, en particulier en vertu de la Convention sur la Diversité Biologique. En effet, l’alinéa (a) de l’article 8 de ladite Convention stipule que : « Chaque Partie contractante, dans la mesure du possible et selon qu'il conviendra, établit un système de zones protégées ou de zones où des mesures spéciales doivent être prises pour conserver la diversité biologique. L’alinéa (d) du même article dispose : « Chaque Partie contractante, dans la mesure du possible et selon qu'il conviendra, favorise la protection des écosystèmes et des habitats naturels, ainsi que le maintien de populations viables d'espèces dans leur milieu naturel ». En outre, l’extension du réseau d’AMP permet de contribuer à l’atteinte de l’objectif 11 du plan stratégique d’Aïchi – Nagoya (2011-2020) pour la conservation de la diversité biologique, adopté en octobre 2010 à Nagoya, au Japon, à l’occasion de la dixième session de la Conférence des Parties à la Convention sur la Diversité Biologique. Cet objectif vise, entre autres, la protection d’au moins 10 % des écosystèmes marins et côtiers à l’horizon 2020.
Aux niveaux régional et sous régional, le projet s’inscrit dans la dynamique de mise en place d’un réseau d’AMP représentatif et efficacement géré, initiée par le Programme Régional de Conservation Marine et Côtière (PRCM), à travers le Réseau des Aires Marines Protégées d’Afrique de l’Ouest (RAMPAO).
Sur le plan national, le Projet s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre de la Stratégie Nationale de Développement Economique et Sociale (SNDES 2013 – 2017) dont il contribue à l’atteinte de l’objectif stratégique (i) du secteur de l’environnement (atténuer les effets des changements climatiques sur les écosystèmes, à travers entre autres la promotion de la préservation et de la gestion des ressources naturelles par les Collectivités locales) et l’objectif stratégique (i) du secteur de la pêche et de l’aquaculture (gérer durablement la ressource halieutique à travers, entre autres, la promotion de la pêche artisanale, la promotion de la cogestion, la restauration des écosystèmes dégradés et la régulation de l’accès aux ressources).
De façon plus spécifique, le projet contribue à la réalisation de l’objectif 2 de la Lettre de Politique du Secteur de l’Environnement et des Ressources Naturelles intitulé : « intensifier la lutte contre la tendance actuelle à la dégradation de l’environnement et des ressources naturelles dans le respect des conventions internationales y afférentes » et de son objectif 3 « Renforcer les capacités institutionnelles et techniques des acteurs dans la mise en œuvre des actions de conservation de l’environnement et des ressources naturelles ».
Il contribue en effet à la mise en œuvre de l’axe d’intervention n°2 de l’objectif 2 relatif à la conservation de la biodiversité et la gestion des zones humides et à celle de l’axe d’intervention n°2 de l’objectif 3 relatif à l’appui aux collectivités locales et aux organisations communautaires de base.
En outre, le projet contribue à la mise en œuvre du Programme n° 3 du Document de Programmation Pluriannuelle des Dépenses du Ministère de l’Environnement et du Développement Durable, à travers lequel il est attendu la création de deux AMP par an de 2013 à 2015 ainsi que l’élaboration et la mise en œuvre de plans d’aménagement et de gestion.
Enfin, le projet s’inscrit en droite ligne de la mise en œuvre des documents de planification environnementale tels que la stratégie et le plan national d’actions pour la conservation de la biodiversité, avec le Plan National d’Actions pour l’Environnement (PNAE), la Stratégie Nationale pour la biodiversité, la Stratégie Nationale de Développement Durable (SNDD), la Lettre de Politique Sectorielle des Pêches et de l’Aquaculture, le Plan National d’Actions pour l’Adaptation aux Changements Climatiques (PANA), etc.